Finalement, au fils de mes réflexions et de mes billets, je m’aperçois qu’il y a toujours deux grands courants qui s’opposent quand on parle de trouver l’amour. Ceux qui pensent que ce qui doit arriver arrivera, que l’on a une âme soeur, un homme ou une femme de sa vie, ceux que j’appellerai les Fatalistes et les autres qui, comme moi, pensent que l’amour est une affaire de conscience, de désir de construire, de choix et de volonté, que j’appellerai les Béhavioristes (j'en parle dans mon précédent billet sur la construction de l'amour).

La pensée fataliste est bien confortable dans le sens qu’elle permet la résignation et n’amène jamais à la remise en question. "Si ça n’a pas marché, c’est que cela ne devait pas marcher". "Si on s’est séparé c’est que ça ne devait pas être la bonne personne". "Si il ou elle n’a pas voulu te revoir, ça n’était pas l’homme (la femme) de ta vie" !

Sauf que cette jolie idée d’une personne unique, "faite pour soi", qui existerait quelque part, et avec qui, en quelque sorte, si on la rencontrait, l’amour existerait malgré tout sans avoir aucun effort à faire, parce que c’est "Elle", parce que "c’est écrit", est une idée qui ne trouve aucun fondement dans la réalité. Et une relation amoureuse, si elle peut (peut-être) naître dans le rêve, n’évolue et ne se développe jamais hors du champ de la réalité.

Nous nous accordons à dire qu’il n’existe pas deux personnes identiques, et pour corser le tout, même si à un instant "T", on peut imaginer trouver deux personnes parfaitement complémentaires en tout, l’humain est ainsi fait que les éléments extérieurs et sa propre histoire le font évoluer, changer. En conséquence, à l'instant T+1 rien n'assure que ces deux mêmes personnes seront toujours synchrones.

La vie n’est pas un long fleuve tranquille (pour reprendre le fameux adage) et ça n’est que trop vrai. Si on pense que la raison pour laquelle on ne s’entend plus parfaitement et "naturellement" avec quelqu’un au bout d’un temps, c’est parce que ça n’était pas la "bonne personne" alors on risque fort de ne jamais trouver cette soi-disant "bonne personne" car la synchronicité de 2 existences sur toute la longueur est complètement en opposition avec le concept d’évolution personnelle.

Les probabilités pour que deux personnes restent parfaitement complémentaires et synchrones dans leur évolution personnelle, comme une paire de rails géométriquement symétriques sur tout un chemin de vie, est pratiquement impossible.

Prendre enfin conscience que la notion d' "amour de sa vie" est un mythe veut-il dire pour autant qu'il est impossible de faire toute sa vie avec une même personne (ce qui est différent) ?

Evidemment non ! Ce qui rend unique quelqu’un n’est pas de l’ordre de la destinée, (et là encore je m’oppose aux fatalistes) mais de l’ordre de l’action et de la volonté de chacun (avec de sérieuses affinités au départ s'entend).

Pour illustrer mon propos voici un extrait du Petit Prince de Saint Exupéry :

- Qu’est-ce que signifie "apprivoiser" dit le petit prince ?
- C'est une chose trop oubliée, dit le renard. ça signifie "créer des liens..."
- Créer des liens ?
- Bien sur, dit le renard. Tu n’es encore pour moi qu'un petit garçon tout semblable à cent petits garçons. Et je n’ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde....

Et voilà ! "L’unique au monde" auquel moi je crois est simplement celle ou celui avec qui ont aura su créer des liens qui le rendront unique à nos yeux. Créer des liens et réussir, par l’amour, la volonté, l’envie et la conscience, à les maintenir tout au long de l’évolution différente et naturelle de l’un et de l’autre.

Si on est conscient de cela, alors il n’y a pas d’homme ou de femme de sa vie. Il y a potentiellement des tas "d’âmes soeurs" possibles, et il ne tient qu’à nous de créer, développer, maintenir et entretenir les liens. Rien n’arrive comme cela et il ne faut rien attendre du destin que nous n’ayons nous même contribué à construire. C’est valable dans pas mal d’entreprises humaines mais ça l'est d'autant plus dans l’entreprise amoureuse.

Alors, quand j’entends quelqu’un me demander "et si la femme de ta vie est à l’autre bout du monde, tu ne la rencontreras jamais ?" je réponds, "pourquoi chercher loin ce qui est à notre porte ?". La femme de ma vie est partout, il suffit juste de décider ensemble de construire. Ce qui sera unique n’est pas la personne en elle-même mais les liens, la relation qu’on aura su créer avec elle.

L‘avantage de cette attitude positiviste et béhavioriste c’est qu’à aucun moment on ne s’en remet à la fatalité pour expliquer ses échecs, ou tout du moins ses succès manqués. Cela permet de se remettre en question à chaque fois et d’essayer de se corriger, afin de mieux maîtriser les outils qui permettront à terme, de porter son choix sur une personne qui en est digne et de se battre ensemble pour que les liens ne se rompent jamais (ou le plus tard possible, pour être plus réaliste).