En effet, combien de fois n’avons-nous pas entendu le fameux "J’ai déjà trop souffert", "désormais je ne me lancerai dans une relation que lorsque je serai sur(e) de ne pas me planter" ou plus tristement encore le "je préfère rester seule, maintenant je me protège, je n’ai plus envie de souffrir" et toutes les variations sur le même thème.

Tout comme je concluais dans mon billet sur la confiance que le plus grand risque en amour était justement de ne pas en prendre, à l’issue de la lecture de ce billet vous comprendrez pourquoi à mon sens, tenter d’échapper à tous prix à la souffrance en amour, est non seulement une fausse bonne idée, une idée irréaliste, mais surtout le moyen le plus sûr de ne jamais connaitre le bonheur. Cependant je ne m’arrêterai pas à cette constatation. Dans le billet suivant intitulé "Vaincre la peur de souffrir : Comment ne plus avoir peur d’aimer ?" je me pencherai sur la question des peurs rationnelles et irrationnelles, la notion de danger et j'évoquerai différentes attitudes en amour (et ailleurs) pour parer à la souffrance (que nous verrons être inéluctable) et de ces attitudes, comprendre laquelle est la meilleure et pourquoi ?

NB : Je pense que nous sommes tous d’accord pour admettre que l’amour est une des composantes essentielle à notre bonheur ou tout du moins, le bonheur est une des conséquences souhaitées d’une relation amoureuse. Ainsi, dans ce billet j’emploierai indifféremment les termes d’amour et de bonheur pour parler de la même chose.



I - QU'EST-CE QUE LE BONHEUR ?


Comme à l’accoutumé, je me pencherai d’abord sur une définition qui nous guidera le long de notre réflexion. Cependant, le but de ce billet n’étant pas de disserter sur le bonheur ou l’amour en lui-même, je n’entrerai pas dans les subtilités philosophiques (pour ceux que cela intéresse je les renvois vers Epicure, Spinoza, Kant, Nietzsche, Freud ou plus près de nous, Onfray) mais chercherai simplement à en dégager les grandes lignes.

Il est conventionnellement admis de définir le bonheur comme suit :
État de bien-être, de satisfaction ou de plaisir d’où sont durablement bannis la souffrance, le déplaisir, le malaise, le stress.

Cette définition est certes sommaire mais elle a le mérite de faire émerger deux notions importantes.

On note tout d’abord que la notion de souffrance est présente dans la définition même du bonheur en cela qu’elle s’y oppose et que c’est par son absence (entre autres choses) que le bonheur trouve sa place. Bien que la souffrance ne soit pas à proprement parlé l'inverse du bonheur, (puisque l'antonyme du bonheur, c'est le malheur) on peut tout de même considérer que la souffrance est par extension l’alter-égo inverse du bonheur (le malheur étant à la fois la conséquence et/ou la cause de la souffrance)

Ensuite, on s’aperçoit que le temps trouve une place importante dans cette définition au travers de la durabilité.

La durabilité est la capacité d'un état à perdurer dans le temps. Cette notion mérite notre attention en cela que c’est elle qui détermine la frontière entre plaisir et véritable bonheur.

En effet, dans l'expérience du plaisir la durée n'est pas essentielle. Que le plaisir ne dure qu'un bref instant (orgasme), ne dure qu'un court moment (un excellent repas) ou au contraire perdure un certain temps (2 semaines de vacances idylliques au soleil), cela reste toujours du plaisir. En revanche on ne peut pas parler de bonheur avec un grand "B" pour des états passagers de satisfaction (même si certains appellent cela à tord des "petits bonheurs" faisant ainsi une confusion entre plaisir et bonheur). De la même façon, il est absurde de parler d’amour avec un grand "A" pour un bref coup de coeur, une passion fugace ou une amourette passagère. Au contraire du plaisir qui ne dépend pas de la notion de temps, cela ne peut être que dans la durée que s’expriment et s'inscrivent amour et bonheur.



II - ALTER-EGO INVERSE ET DURABILITÉ


C’est sur ces deux notions que je vais m’attarder pour guider ma réflexion. Ce n’est qu’en comprenant intimement ce qu’elles recèlent que nous serons en mesure de saisir le rapport qu’elles entretiennent et les conséquences qui en découlent.


1) Alter-ego inverse :

Qu’est-ce ?

Toute qualité (que ce soit pour définir une chose, un concept, une personne) ou tout état possède sont alter-ego inverse (on peut dire aussi son opposé, son contraire, son antonyme).

Plein-vide, blanc-noir, bon-mauvais, vie-mort, beau-laid, solide-fragile, etc...

Une qualité n’apparait dans toute sa dimension à notre conscience que par opposition avec son alter-ego inverse et, bien que qualités ou états ne se définissent pas exclusivement par l’existence de leur contraire, il est avéré qu’ils ne se conçoivent pas non plus sans eux. C’est bien l’écart entre les opposés qui en fait toute leur force à nos yeux et nous en fait d’autant plus prendre conscience.

En effet, on n’est rarement ébloui en passant d’une pièce illuminée à une autre pièce légèrement plus éclairée, mais on l’est à coup sûr (ébloui) à la sortie d’un tunnel par une journée ensoleillée. De la même manière on n’est peu conscient de l’étendue de notre aisance matérielle en ne fréquentant que des gens du même niveau que nous, alors que la différence devient plus flagrante dès qu’on est confronté à des personnes d’un niveau de richesse nettement inférieur. On apprécie d’autant plus une météo clémente quand, après des mois de mauvais temps, le ciel redevient bleu et le soleil darde à nouveau ses rayons. On ne se sent vraiment revivre (ou vivre) que lorsqu’après des semaines immobilisé chez soi avec une jambe dans le plâtre, on peut enfin se remettre à sortir, à marcher et à courir.

Il faut bien comprendre que sans l’expérience d’un inverse et de toutes les nuances intermédiaires, un qualificatif, un état n’a aucun sens, et pas la même valeur pour nous.

Comment s’étonner de la clarté du jour si on n’a jamais observé la profondeur de la nuit, comment apprécier à sa juste valeur la joie d’être entouré de gens qu’on aime sans avoir jamais connu la solitude ou le deuil, le plaisir de retrouver quelqu’un sans avoir éprouvé de manque, ou encore comment réellement se délecter de la douceur d’un met sucré sans jamais avoir gouté à l’acidité d’un citron ou l’aigreur d’un vin ?

On peut même aller jusqu’à dire que ces qualificatifs ou ces états ne prennent réellement de dimension à nos yeux ou dans notre conscience qu’à cause de l’expérience de leur contraire. Sans éléments de comparaison, sans étalon, sans point de repère on ne peut rien mesurer.

Pour revenir au sujet qui nous occupe, l’amour et le bonheur n’échappent pas à la règle. Bien qu’ils ne se définissent pas uniquement par rapport à l’existence de leurs opposés (comme nous l’avons vu dans la définition, le facteur temps est essentiel pour les différencier du plaisir et de l’amourette), bonheur et amour ne prennent leur dimension que par rapport à (la distance qui les séparent de) leurs états inverses et à leur durée dans le temps.

Cela se vérifie notamment chez tout ceux qui ne se rendent compte de la réelle étendue de leur bonheur qu’une fois celui-ci passé, où, c’est seulement une fois face à la souffrance qu’ils mesurent vraiment à quel point ils étaient heureux jadis, une fois devant la solitude qu’ils constatent la véritable force de leur amour perdu.

C’est donc aussi la souffrance qui octroie au bonheur sa dimension. Par extension on peut considérer bonheur et souffrance comme indissociables du fait même de leur nature complémentaire. L’un n’existant pas sans l’autre même si, par essence, ils ne peuvent jamais exister simultanément (co-exister).

Cela dit, ça n’est pas parce que le bonheur ne peut, par définition, exister sans son alter-ego inverse que nous devrions obligatoirement faire successivement l’expérience des deux me direz-vous. Pourquoi devrions-nous fatalement subir la souffrance ? C’est vrai, après tout, ne peut-on imaginer un bonheur sans limite de durée, nous permettant ainsi d'échapper à cette maudite souffrance ?

C’est là qu’il faut se pencher sur la deuxième notion essentielle qui ressort de la définition ; la durabilité.

Si la plupart des gens ont parfaitement conscience que souffrance et bonheur se côtoient, que le bonheur ne s'inscrit que dans le temps, beaucoup plus se fourvoient sur la question de sa durée. Alors, parlons-en.


2) Le facteur temps : L’éternité est un concept et non une réalité

Comme dans beaucoup de problématiques amoureuses, c’est bien le temps qui est responsable de nos maux.

Il est acquis que c’est dans leur capacité à durer que le bonheur et l’amour se définissent. Mais de quelle durée parlons-nous exactement ?

Si nous partons du principe que la durée du bonheur peut ne pas avoir de limite, l’équation (de contes de fées) qui se présente alors à nous - Bonheur + Temps illimité - ne peut déboucher que sur ce magnifique résultat : Absence de souffrance à tout jamais.

L’équation serait parfaitement juste si l’une de ses prémisses n’était pas erronée au départ. Ici, c’est bien celle de "Temps illimité" qui pose problème.

Pourquoi ?

Je pourrai vous répondre, "parce que nous ne sommes pas dans le monde des Bisounours" mais je tacherai de garder mon sérieux et vous répondrai simplement : parce que dans notre Univers, rien n’est éternel.

J’entends déjà la foule crier "Mister L, vous enfoncez des portes ouvertes, vous tautologez, vous truismez, vous lapalissez" (néologismes volontaires), "en bref, rien de nouveau sous le soleil, ce que vous dites est une évidence". Et bien figurez-vous, qu’à observer nos contemporains, la question de savoir s’ils en sont réellement convaincus, se pose sérieusement.

Je m’explique.

A l’exception de l’Univers où, à l’heure actuelle, les cosmologistes proposent aussi bien des modèles expérimentaux de chaos (big crunch, big rip, etc...) que des théories d’expansion infinie, au delà même de notre expérience sensible, la science démontre qu’ici bas, absolument rien de dure éternellement, rien ne dure indéfiniment.

Voici quelques exemples concrets :

- Les étoiles, à commencer par notre soleil né il y a 4,6 milliards d’années brûle jusqu’à se consumer entièrement et il se transformera en géante rouge dans 5,4 milliards d’années puis en naine blanche pour s’effondrer sur lui-même d’ici 9 milliards d’années maximum.

- La vie sur terre, apparue il y a 400 millions d’années, aura sans doute disparue entre 1,75 et 3,25 milliards d’années (du fait de l’évaporation totale des océans) et la planète elle-même sera pulvérisée ou absorbée par le soleil quand celui-ci verra sa taille multipliée par 50 d’ici 5 milliards d’années. Plus proche de nous, les chaines de montagnes ont une durée de vie estimée d’un peu plus de 100 millions d’années à cause de l’érosion et des mouvements tectoniques (couches de l’écorce terrestre).

Si nous nous penchons sur l’infiniment petit, là aussi nous trouvons des durées certes astronomiques mais malgré tout finies. Savez-vous que même des particules élémentaires comme celles qui composent nos atomes, ne sont pas éternelles ? Je rappelle pour les cancres des cours de chimie que la matière se décompose en molécules, elles-mêmes formées d’atomes. Ces atomes sont composés d’électrons orbitant autour d’un noyau composé de protons et de neutrons. Si vous pensez que ces particules sont éternelles, laissez-moi vous détromper.

Le neutron a une vie ne dépassant pas 15 minutes, l’électron, lui, reste théoriquement stable pendant 46 millions de trillions (milliard de milliards) d’années (4,6 x10 puissance 26), quand au proton on parle d’une durée de plus d'un quintilliard d'années (millions de milliards de trillions d’années - 10 puissance 33).

A de telles échelles de temps, à peine imaginables pour nous, parler de milliards de trillions d’années ou d’éternité semble revenir au même. C’est pourquoi Lavoisier (chimiste Français du XVIIIème siècle) déclarait "rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme". La réalité c’est qu’à des échelles de temps astronomiques ça n’est plus la transformation mais la fin et la désintégration qui attend toute chose.

Mais nous, humains, avons tendances à penser que lorsque des quantités ou des nombres sont astronomiques, cela ne fait aucune différence avec l’infini. C’est une erreur aisément compréhensible dans la mesure où, à notre échelle, 10 puissance 15 (1 suivi de 15 zéro) et 10 puissance 50 ne veut plus rien dire tant les chiffres dépassent notre entendement. C’est ce qu’on appelle l’erreur de l’infini virtuel. C’est une erreur puisque 10 puissance 15, bien qu’énorme, n’est pas infini.

Cette erreur trop commune de l’infini virtuel a pour conséquence de créer de multiples confusions. La première étant de nous amener à croire que finalement l’éternité existe. Peut-être existe-t-elle quelque part (c’est là plus une question de croyance religieuse qu'une réalité) mais une chose est certaine, elle n’existe pas dans notre Univers.

Une autre chose qui nous fait croire à l’existence de l’éternité c’est notre imagination (cela fera d’ailleurs l’objet d’un billet à propos de l’impact de la fiction romantique sur les comportements amoureux). Mais il y a un fossé (que beaucoup s’empressent de franchir trop vite) entre croyance/imaginaire et réalité.

Absolument rien n’est éternel sinon cette naïveté qui guide pas mal de nos actes et de nos pensées. Entre parenthèses, cette dernière phrase me fait penser à une citation admirable et fort à propos d’Albert Einstein : "Deux choses sont infinies : l’Univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l’Univers, je n’en ai pas encore acquis la certitude absolue." Je referme cette parenthèse qui mérite réflexion.

Même les plus grandes entreprises humaines, les plus grandes civilisations ont connu une fin plus ou moins rapide. Les Mayas-Azteques ont tenus 4121 ans, les Egyptiens antiques, 3120 ans, les romains 1229 ans, les grecs 1186 pour ne prendre que quelques exemples des plus célèbres.

Quand à nous, pauvres Humains, notre espérance de vie moyenne, à l'heure où j'écris ces lignes, bien qu’en progression, ne dépasse pas 78 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes.

Tout, autour de nous, comme au dessus ou en dessous, à commencer par nos propres existences nous prouve sans cesse que rien ne dure. Tout nait, grandit, atteint une apogée, se dégrade et meurt pour se transformer en autre chose au mieux, pour disparaitre complètement au pire. Alors qu’on me dise par quel miracle en serait-il autrement d’un état comme le bonheur ? Pourquoi le bonheur dérogerait-il aux lois qui régissent l’Univers ?

Pourquoi ne pas admettre que, comme toutes choses, et pas moins que le reste, le bonheur, un amour nait, se développe, vieillit, se dégrade et meurt un jour pour se transformer en autre chose ou disparaître complètement? C’est pourtant cela la réalité.

Le bonheur éternel est un concept magnifique mais il est aussi irréaliste que la vie éternelle. On définit le bonheur par sa durabilité (capacité à durée) mais prenons conscience une fois pour tout que cette durée ne peut jamais être infinie. Au mieux elle finit avec nous, au pire elle finit avant nous.



III - POURQUOI LA SOUFFRANCE EST-ELLE INEXTRICABLEMENT LIÉE A L'AMOUR ?


C’est pour les 2 raisons explicitées dans le précédent chapitre que les prémisses de l’équation que j’évoquais plus tôt sont fausses.

L'équation concordante avec la réalité est : Bonheur + Temps limité = Souffrance (à terme)

La souffrance est une conséquence inexorable liée au bonheur parce que le temps fait parti de l’équation et que ce temps ne peut être éternel.

Que la cause soit endogène ou exogène (interne à la relation -par exemple évolution des sentiments, désaffection, rupture, trahison- ou externe à la relation - éloignement géographique forcé, accident, mort de l’être aimé) La perte est inhérente à tout bonheur, parce que la durée de celui-ci est fatalement finie (dans le sens - non éternel).

Cette perte génère obligatoirement une souffrance inversement-proportionnelle à l'intensité du bonheur dont elle est issue ainsi qu'à la durée de ce dernier. Plus on est heureux fort et longtemps, plus la perte de ce qui a causé ce bonheur est pénible, plus la souffrance est grande.

Parce que, dans la durée, la perte est plus que probable (pour ne pas dire inéluctable) et que la perte de ce (ou ceux) que l’on aime engendre la douleur, alors la souffrance est indissociable à plus ou moins long terme du bonheur (durabilité et finitude). Par conséquent, la souffrance fait partie du bonheur et souhaiter l’un sans être capable d’embrasser l’autre est aussi puéril que d’imaginer pouvoir se baigner nu sans jamais se mouiller.

Si l’on considère que l’amour est un des principal facteur du bonheur, alors on peut dire que la souffrance fait parti de l’amour aussi (en cela qu’il lui succède).

De ce fait, souhaiter l’amour en se prévalant à tous prix de la souffrance est tout aussi irréaliste que souhaiter devenir riche en se prévalant de payer le moindre impôt.

Si on ne souhaite pas payer d'impôts, la seule solution est de ne pas gagner d'argent (enfin c'est vrai partout sauf en France). Si on ne souhaite pas souffrir, la seule solution est de ne jamais aimer. Mais ne jamais aimer et être aimé ne cause-t-il pas finalement et indirectement encore plus de souffrance, rendant le remède pire que le mal ? Ce serait un peu comme décider de ne plus s’alimenter par crainte de l'indigestion. Victoire à la Pyrrhus sur un corps qui supportera sans aucun doute beaucoup moins bien une grève prolongée de la faim qu’une simple possible et ponctuelle indigestion.

En revanche, attendre un amour qui garantirait de ne jamais engendrer de souffrance est une absurdité, un non-sens. Non seulement il ne peut y avoir de garanties que la souffrance n’arrivera pas, mais plus encore il est assuré que la souffrance arrivera, ça n’est qu’une question de temps puisque rien ne dure éternellement. La bonne question n’est pas de savoir si nous allons souffrir mais, à la limite, quand va-t-on souffrir (mais même cette question n’a aucun sens et n’apporte rien d’autre que du stress à celui qui se la pose)

La seule exception garantissant à 100% l’absence de souffrance serait de soi-même disparaitre en plein bonheur. En amour, l'unique exception serait de "dés-aimer" avant d’être quitté ou de mourir avant de voir mourir ceux qu’on aime et cela serait finalement très égoïste, car cela reviendrait à décharger la perspective de sa propre souffrance sur ceux qu'on aime afin d’y échapper soi-même (ce qui est antithétique de l’amour puisque l'amour c'est aussi chercher à éviter de faire souffrir). D’une façon ou d’une autre l'amour fera une victime !

Face à un problème il n'y a pas mille attitudes possibles. On peut soit refuser les faits et vivre en feignant de les ignorer comme si magiquement cela allait les faire disparaitre (ce qui bien évidement n’arrive jamais, cela s’appelle la pensée magique) ou bien prendre en compte la réalité, même quand on aurait souhaité qu’elle fut autre, et faire avec du mieux possible. Bien que n’ayant personnellement rien contre les struthionidés je ne pense pas que la politique de l’autruche ait jamais été une solution viable pour résoudre les problèmes. Mon ambition en écrivant tout ceci n’est absolument pas de prôner le fatalisme, le pessimisme ou la résignation mais simplement d’être réaliste afin justement d'adopter la bonne attitude et de trouver les solutions qui rendront notre vie plus agréable et les souffrances plus supportables.



IV CONCLUSION


Nous voyons bien que nous voyageons de paradoxe en paradoxe lorsque nous disséquons la question. Rechercher le bonheur c’est indirectement rechercher la souffrance (à terme) ou dit autrement chercher le bonheur c’est aussi accepter implicitement la souffrance qui en découlera. C’est pourquoi, par inversement logique, tenter d’échapper à la souffrance c’est à coup sûr passer à côté du bonheur.

Tout comme gagner beaucoup d'argent c'est prendre le risque de finir par avoir à payer beaucoup plus d'impôts, chercher à échapper à l'impôt à tous prix équivaut alors à passer à coup sûr à côté de la richesse. Maintenant, ne pas avoir à payer d'impôt est-il un argument raisonnable pour se complaire dans la pauvreté lorsque la richesse vous tend les bras ? Est-il plus censé de refuser l'amour par la seule crainte de la souffrance ?

La souffrance est au bonheur ce que l'impôt est à la richesse, aussi indissociable qu’elle (et il) est inévitable : tenter d’échapper au premier c’est forcément passer à côté du second.

La vie elle-même ne repose que là-dessus. Vivre c'est être voué à la mort (le plus tard possible on le souhaite), le prix à payer pour vivre c'est de devoir un jour mourir mais qu'on refuse ou pas cet état de fait, ça n'empêchera jamais la mort de nous emporter. Alors plutôt que de vivre (mal) dans la peur permanente de notre propre fin (sur laquelle nous n'avons absolument d'autre pouvoir que celui de la rendre moins pénible ou de la repousser un peu), pourquoi ne pas en profiter sereinement tout en acceptant la réalité ?

Pour le bonheur et l'amour c'est exactement la même chose. Rien ne sert d'en avoir peur, il faut en avoir conscience et le courage d’être prêt à en payer un jour le prix (le plus tard si possible), pour connaître l'amour il faut accepter le risque de souffrir tôt ou tard mais franchement, le jeu en vaut la chandelle.

J'ajouterai quand même pour terminer, qu’aussi pénible que puisse être la souffrance consécutive à un bonheur ou à l'amour, elle n’est ni mortelle, ni insurmontable et ne mérite pas la peur démesurée (parfois jusqu'à la paralysie) qu’elle génère chez certains. Pour en savoir plus à ce sujet, je vous invite donc à lire la suite de ce billet qui a fait l'objet d'un autre essai intitulé : Vaincre la peur de souffrir : Comment ne plus avoir peur d’aimer ?