Fuis-moi je te suis, le jeu du chat et de la souris
Par Mister L, lundi 25 mars 2013 à 16:40 :: Psychologie :: #22 :: rss
Commençons par essayer de comprendre ce qui motive une relation.
Deux personnes font connaissance et de cette rencontre naît l’envie. Envie d’en savoir plus, de se connaître mieux, de se revoir, de se fréquenter, de tisser des liens, de se toucher, de s’embrasser, etc... A l’exception de relations basées sur des intérêts matérialistes, il semble clair que l’unique moteur qui pousse deux personnes à se lier l’une à l’autre c’est l’envie, autrement dit, le Désir.
Quand on pense aux débuts d’une relation, nous sommes tous d’accord sur la question. Cette force qui nous pousse à aller vers l’autre est le désir. Si le désir est absent il ne se passe rien. En revanche ce qu’on a tendance à oublier c’est que ce même désir qui a été au départ notre seule motivation, reste aussi un moteur tout au long du développement de la relation. Lorsque le désir disparaît ou s’étiole, il n’y a plus d’envie de l’autre, moins ou plus de motivation et nous tendons à nous éloigner de l’autre.
I - QU’EST-CE QUE LE DÉSIR ?
De quoi est-il fait ? Quelles sont ses composantes ?
Je ne ferai pas ici une dissertation sur le Désir car c’est une question philosophique assez vaste et je renverrai ceux que ça intéresse vers les philosophes Grecs ou les pères de la psychanalyse, mais je définirai rapidement le désir comme une pulsion tendant à nous pousser vers un but dans l’espoir de calmer un manque, de satisfaire un besoin particulier et personnel et, au final, nous permettre d’atteindre un certain plaisir ou bonheur dans cette satisfaction ou au minimum d’éviter du déplaisir, de la frustration, voire de la souffrance.
Petite parenthèse en passant :
je parle de besoin particulier et personnel car il est bon de noter que la différence entre le désir et le besoin est justement le coté unique et personnel de son objet. Les besoins étant globalement les mêmes pour tout le monde (boire et se nourrir, s’habiller, se reposer, se déplacer, se distraire, etc..) alors que les désirs nous sont tout personnels. J’ai envie de ce sac rouge de marque, ça n’est pas un besoin, c’est ce sac qui me plaît à moi et pas forcément à mon voisin. Il s’agit donc là plus d’un désir. Je rêve de partir aux Bahamas, j’en ai très envie, là encore il s’agira plus d’un désir car si derrière ce désir il y a peut être un besoin (faire un break), le fait qu’on veuille prendre ces vacances dans un lieu particulier qui nous fait rêver plutôt qu'un autre, relèvera alors plus du désir.
Pour en revenir au sujet qui nous occupe, l’envie de l’autre (une relation) relève lui aussi du désir et non du besoin car cet autre n’est à priori pas remplaçable, il est unique. Avoir envie de quelqu’un n’est pas avoir envie de n’importe qui. Et lorsque nous sommes séduit pas une personne, nous sommes bien en face d’une attraction vers un objet unique et défini.
Fin de la parenthèse.
Ce qui crée le Désir est donc avant tout l’envie de répondre à un besoin particulier et unique pour obtenir une satisfaction (et inversement). Ne pas y répondre générera une insatisfaction, un manque. Plus nous comblons le désir et moins nous ressentons de manque, moins nous parvenons à satisfaire ce désir et plus nous souffrons du manque.
D’une part nous pouvons en déduire que le désir naît de l’envie (pour ne pas employer “besoin” car comme expliqué plus haut, ce mot revêt une autre connotation) mais aussi qu’il se nourrit du manque.
Nous pouvons donc considérer le manque comme une composante essentielle à l’existence du désir. "On ne désire que ce dont on manque "disait Platon. A contrario, nous sommes tous d’accord pour reconnaître qu’on ne désire jamais ce que nous possédons déjà.
Nous pouvons alors définir le désir sous un autre angle.
Le sentiment (ou la pulsion) né du besoin de réduire une tension qui existe entre manque et satisfaction.
Si nous transposons ceci à une relation entre un homme et une femme, nous pouvons alors parler de tension sexuée ou tension sexuelle.
II - LA TENSION SEXUELLE : CARBURANT DU DÉSIR
C’est cette tension que nous appellerons donc “tension sexuelle” qui permet au désir de conserver sa force ou au contraire de l’anéantir. Si le désir est le moteur de la relation, la tension sexuelle peut être considéré comme son carburant.
Cette tension sexuelle est présente au tout début, c’est bien aussi ce qui va créer cette attirance à l’autre, elle préexiste pourrait-on dire. L’attraction ressentie est due à une envie de l’autre couplée à un manque (puisque par définition, à ce stade nous ne sommes pas encore avec l’autre) et voilà que la bicyclette de l’amour démarre.
Mais comme disait Albert Einstein à propos de la vie “La vie c’est comme une bicyclette : quand on arrête de pédaler, on tombe”, c’est la même chose pour la relation amoureuse. Lorsqu’on arrête de nourrir le désir, la relation ralentie et, à terme, meurt.
Nous avons bien compris que ce qui nourrit le désir, c’est la tension sexuelle et que cette tension c’est le delta (différence) entre besoin comblé et manque. Cela veut donc dire que si nous ne prenons pas garde à maintenir cette tension sexuelle tout au long de la relation et dès la première seconde, le désir tend à se dissiper puis disparaître et quand il n’y a plus de désir il n’y a plus de relation.
C’est particulièrement vrai au tout départ car, si après quelques mois ou quelques années, d’autres facteurs peuvent avoir contribués à créer un “ciment” (vie commune, projets, enfants), dans les débuts de la relation, strictement rien ne nous lie encore à l’autre à l'exception de ce seul désir.
Ne pas être capable de gérer le désir de l’autre c’est à coup sûr se retrouver plus tôt que tard dans une impasse et une relation avortée. Pour le gérer, encore faut-il en comprendre les mécanismes (et c’est précisément ce que nous sommes en train de faire)
Seulement voilà, nous, les êtres humains, sommes doués d’intuition. Les femmes plus que les hommes d’ailleurs. Cette intuition nous poussant à faire avancer “la motocyclette de l’amour” en tentant de refaire le plein lorsque nous pressentons que cette machine est en train de ralentir. Sans le savoir quand nous percevons un ralentissement, une baisse de désir ou un surcroît de manque, nous allons inconsciemment chercher à modifier la tension sexuelle. Cela se traduit par ce que nous appelons vulgairement : le jeu du chat et de la souris.
III - LE CHAT ET LA SOURIS : TOUT SAUF UN JEU
Mais il ne s‘agit pas du tout d’un jeu. Il s’agit au contraire d’un processus vital et malheureusement souvent incompris (incompréhension à la base de pas mal de catastrophes sur le plan relationnel).
Sortons quelques instants des méandres de la psychologie pour faire un tour dans le monde de la physique.
En physique, la tension est une contrainte mécanique exercée sur les deux extrémités d’un solide. Un bon exemple est une corde de guitare. Celle-ci est attachée en ses deux extrémités au chevalet et à la tête de la guitare. Plus on tire dessus, plus on modifie sa tension, ce qui se traduit aussi par la modification du son qu’elle produit lorsqu’on la gratte.
Si une corde n’est plus soumise à la moindre tension, elle ne produira plus aucun son. Si la tension est trop importante au contraire, la corde se rompt. La bonne tension se situera entre ces deux points et la tension idéale est celle qui permettra à la corde de produire le son juste, la bonne note. Le verbe qui défini l’action de trouver le point idéal de tension de la corde est : Accorder
Mais on sait tous que les cordes ne peuvent rester accordées longtemps. Elles ont tendance (en fonction de facteurs endogènes ou exogènes) à se détendre le plus souvent mais aussi parfois à se contracter. Il faut donc régulièrement réajuster leur tension grâce aux clefs qui sont sur la tête de l’instrument et qu’on va tourner dans un sens ou dans l’autre jusqu’à obtenir les sonorités désirées.
Revenons à présent à notre sujet.
La tension sexuelle procède des mêmes ressorts que la tension mécanique. Il existe une contrainte invisible entre manque et satisfaction et si le manque est trop fort il provoque douleur et frustration, si le manque est trop faible il provoque l’absence de désir (puisque qu’on ne désire que ce dont on manque)
Imaginez maintenant qu’entre vous et la personne que vous venez de rencontrer il y ait une corde dont chacun tient une extrémité. Tant que cette corde est parfaitement tendue le désir est équivalent des deux cotés. Que se passe-t-il si l’un des deux s’avance vers l’autre ? Logiquement la tension dans la corde diminue. Que faire pour qu’à nouveau la tension existe ? Il n’y a que deux solutions. Soit la personne qui a avancé revient à sa position initiale, soit l’autre personne recule. Si vous avancez et que l’autre recule, quelle image avez-vous ?
Je la suis, elle me fuit.
Que se passe-t-il au contraire si, corde déjà tendue, vous reculez. Pour pas que la corde ne se rompe ou lui échappe des mains, l’autre n’a qu’une seule option, avancer. Quelle image avons-nous alors ?
Je le fuis, il me suit.
Et oui, nous avons intuitivement ce besoin de toujours conserver la tension sexuelle idéale et tout naturellement dès qu’un mouvement de l’un ou l’autre modifie cette tension, alors, il y a contre-réaction de la partie adverse.
Le seul instant où il y a mouvement sans modification de la tension c’est lorsque les deux bougent de la même façon au même moment. Il est rare que cette synchronisation existe sur tout la durée d’une relation, il est encore plus rare qu’elle existe au début d’une relation. S’accorder prend du temps.
Il ne s’agit donc pas d’un jeu, mais d’une condition nécessaire pour alimenter le désir. Maintenir en permanence la tension sexuelle entre les protagonistes, voilà sa raison d'être. Si jamais cette tension idéale est rompue, parce que trop forte ou trop lâche, alors, le désir s’envole.
En vouloir à l’autre de s’éloigner lorsqu’on se rapproche ou de se rapprocher quand on s’éloigne est complètement idiot. C’est justement pour préserver la tension que l’autre réagit, même s’il n’en a pas vraiment conscience. Et cela démontre aussi que c’est bien la question du désir qui est en jeu, car le désir relève plus de l’inconscient que du conscient (à la différence du besoin)
IV - COMMENT GÉRER LA TENSION SEXUELLE ?
A- Premiers conseils :
La première des choses à faire est de ne pas en vouloir à l’autre de ses mouvements de recul ou ses pas en avant. Ne pas les considérer comme un jeu pervers mais être conscient que ce “jeu” n'est que l’expression de sa tentative de maintenir la tension qui vous lie, donc du désir.
La seconde chose à faire est de ne pas altérer cette tension. Pour cela il faut être capable de la mesurer (et c’est sans doute ce qu’il y a de plus compliqué mais je vais y revenir un peu plus loin) et de l’ajuster.
Succomber tout de suite à ses envies n’est pas un problème lorsque la seule personne en jeu est soi-même. Je vois un vêtement qui me plaît en vitrine, je le désire, je ne me pose pas la question et l’achète, succombant immédiatement à cette envie. Ok pas de problème. En revanche, lorsqu’on est deux, la donne est différente et il faut bien garder à l'esprit que toute action de notre part peut ou va déclencher une contre-réaction de la part de l’autre.
Il faut donc être subtil et avancer par petites touches afin de ne jamais modifier la tension brusquement. A ce compte, on évite la rupture et il est toujours possible de réajuster. Si je tire légèrement sur la corde et que je sens que de l’autre coté il y a un mouvement vers moi, tout va bien, par contre si je sens que la tension augmente, j’arrête d’avancer pour éviter la rupture. Si j’avance vers l’autre et que sens que la corde se ramollie, alors je peux sans problème revenir en arrière pour rétablir la tension.
B - Comment mesurer et agir sur la tension ?
Il faut avant tout être un peu moins centré sur soi-même et un peu plus à l’écoute de l’autre.
Faire attention aux multiples petits signes, le plus souvent inconscients, que l’autre vous donne et qui vont vous permettre de jauger le niveau de son désir, de prendre la tension.
Il faut aussi lui donner les moyens de connaître votre niveau de tension afin de lui permettre d’avancer sans danger.
Voici un exemple concret :
J’ai très envie de rappeler la personne que j’ai croisée et avec qui j’ai passé un bon moment. Bref, ne pas l’entendre me manque. De mon coté il y a donc une tension sexuelle palpable. En revanche je ne sais pas quel est l’état de sa tension sexuelle à elle. Peut-être attend-elle avec impatience que je la rappelle, mais peut-être pas. Si je la rappelle alors qu’elle n’est pas “en manque” de m’entendre, le peu de tension qui existe va complètement disparaître et il y a fort à parier que, pour que cette tension redevienne optimum après cet appel, il faudra du temps.
Alors, je vais donner un petit signe, pas assez grand pour faire retomber la tension, mais suffisamment clair pour que l’autre puisse s’en saisir si de son coté la tension est forte aussi.
J’envoi un SMS pour faire juste coucou. Si jamais l’autre est en “tension” il y a fort à parier que ce texto soit suivi d’une réponse, si ça n’est pas le cas, ça n’est pas ce petit mot envoyé qui va faire retomber toute tension, mais ce sera un bon signe pour vous faire comprendre que, de l’autre coté de la corde, la tension n’est pas la même. Vous pouvez alors choisir de reculer afin de tendre la corde un peu plus. Reculer veut dire dans ce cas, se montrer plus “absent” pour tenter de créer le manque.
Si jamais malgré ce recul il n’y a jamais de mouvement vers vous par la suite c’est sans doute que la tension était imaginaire et que l’autre n’a tout simplement aucun désir pour vous. Susciter le désir chez l’autre est un sujet bien compliqué que je n’aborderai pas ici.
Une fois dans la relation, la tension sexuelle reste tout aussi vitale car, rappelons-le, c’est le fuel de votre moteur. Il faut pouvoir créer le manque quand il est absent, le combler lorsqu’il devient pesant. Ça n’est pas forcément évident, surtout si on vit avec l’autre ou qu’on est déjà dans une certaine routine, mais cela veut dire apprendre à ne pas être trop présent, ou trop absent. Si on sent que l’autre tend à s’éloigner, il ne faut pas chercher à réduire à tous prix la distance, lorsque la tension sera trop forte, tout comme avec un élastique, l’autre sera irrésistiblement attiré. Dans le cas inverse, lorsque la personne se rapproche de vous alors que de votre coté le désir est moindre, il faut faire comprendre à l’autre sans le blesser que garder une certaine distance sera bénéfique. L’idéal étant de ne pas attendre ce point là pour réagir mais anticiper. Je m’éloigne légèrement alors que je n’en ai pas encore forcément envie, afin de remettre un peu de tension sur la corde, le rapprochement qui s’en suivra ne sera que plus efficace, ou bénéfique.
V - CONCLUSION
Bien sûr, ça n’est pas une science exacte et il y a des cas où la corde est déjà rompue, d’autre où l’on imagine une tension là où il n’y en a pas. Nous ne sommes pas non plus à l’abri d’erreurs de jugement, l’autre peut aussi donner des signes trompeurs. Bref, pas de recette miracle.
Ce qui est certain c’est que le mécanisme que j’ai tenté de démonter et de démontrer est, à mon sens, une réalité et qu’il contribue à susciter, entretenir ou à tuer le désir.
Il est essentiel de bien le comprendre pour ne pas mesinterpréter les réactions de l’autre quand, le plus souvent, ses réactions ne sont qu’une réponse “réflexe” ou inconsciente à vos propres mouvements.
Le jeu du chat et de la souris n’est en rien un jeu pervers, il n’est généralement que l’expression de l’envie de maintenir le désir qui lie deux personnes. C’est plutôt bon signe non ?
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COMMENTAIRES
1. Le jeudi 4 avril 2013 à 19:22, par Mouche
2. Le mardi 28 mai 2013 à 20:35, par Rafa
3. Le lundi 30 décembre 2013 à 02:06, par stradamus
4. Le mercredi 24 juin 2015 à 12:25, par Maissa
5. Le samedi 1 août 2015 à 08:50, par Tchep