Le recyclage amoureux : avenir d’une illusion ou illusion sans avenir ?
Par Mister L, jeudi 23 août 2012 à 06:56 :: Amour :: #21 :: rss
On connaît l’adage “on ne fait pas du neuf avec du vieux” et pourtant, nombre de couples dissous cherchent à se remettre ensemble, nombre de gens célibataires un temps, finissent avec leur “ex”. Est-ce une bonne chose ?
Récemment, un de mes amis s’est fait plaquer par sa compagne après quelques années de vie commune. Depuis cette rupture il ne cesse de chercher comment la reconquérir alors que, manifestement, ils ne sont pas ou plus fait l’un pour l’autre pour 100 raisons que je ne détaillerai pas ici. Naturellement je lui ai déconseillé de renouer avec elle car il me semble évident que cela ne déboucherai sur rien de bon et le plongerait un peu plus dans une déprime qu’il connaît déjà. Mais cet épisode m’a amené à lui expliquer les raisons pour lesquelles je le poussais à trouver quelqu’un d’autre plutôt que perdre son temps en retournant avec elle.
C’est le fruit de mes réflexions à ce sujet que je vais vous livrer aujourd'hui.
I - POURQUOI PREFERE-T-ON LE VIEUX AU NEUF ?
A la suite d’une rupture, si nous ne souhaitons pas rester célibataire, seuls deux choix s’offrent à nous. Renouer avec un ancien partenaire ou séduire quelqu’un de nouveau.
Les raisons qui peuvent nous pousser à orienter notre choix vers la première solution sont nombreuses et malheureusement, comme nous le verrons, sont tout sauf de bonnes raisons.
A - La Peur
- Peur de l’inconnu : se lancer dans une nouvelle histoire avec une nouvelle personne peut sembler comporter plus de risques que de poursuivre avec quelqu’un qu’on connaît. Dans un sens, avec un inconnu, rien ne garantit que cela va fonctionner, alors qu’avec un ex, même si on sait qu’au bout de la route il y a un mur, au moins on sait où on va et on a toujours l’espoir que le mur disparaîtra lors de notre seconde tentative de relation.
- Peur de la solitude : l’humain est un animal d’habitudes. Il a besoin de repères, de pôles. Une relation amoureuse est un sacré élément de stabilité et avec lui, son lot de routines et d’habitudes rassurantes. Lorsqu’on s’est soi-même domestiqué à la vie rassurante du couple, on se sent rarement prêt à affronter la solitude et la jungle du célibat. Tous nos repères vont être chamboulés, ce qui est très traumatisant. La tentation est forte de rester dans ce confort en se "cramponnant aux branches".
- Peur de soi-même : parce qu’un échec engendre une perte de confiance en soi, confiance qui semble dès lors nous manquer pour séduire à nouveau quelqu’un d’étranger. C’est d’autant plus vrai qu’on a aussi perdu l’habitude de socialiser, le couple ayant une tendance maladive à se refermer sur lui-même ou à ne côtoyer que d'autres couples.
- Peur de tout perdre : parce que tout comme au casino, lorsqu’on a beaucoup misé et investi sur un jeu et qu’on perd sa mise, on est tenté de se dire qu’en rejouant à la même table, on pourra tout récupérer. Avec l’investissement affectif c’est exactement le même mécanisme. On préfère retenter sa chance (sans penser qu’on risque surtout de perdre encore plus) plutôt que d'arrêter de jouer et d’accuser la perte.
- Peur de souffrir : parce que toute rupture demande un travail de deuil et que ce travail est pénible, on cherche à s’épargner cette souffrance en évitant le deuil. C’est un calcul à court terme, car il table sur l’hypothétique réussite de cette nouvelle tentative, mais si celle-ci se solde par un nouvel échec (ce qui est plus que probable) l’impact de deux échecs successifs sera bien plus douloureux que la souffrance liée au deuil.
B - Le passé
- Parce qu’on croit avoir tiré les leçons de l’expérience. On pense avoir trouvé les raisons de l’échec initial, par conséquent, on se dit qu’on a une chance d’éviter les écueils lors d’une seconde tentative. Ce serait peut-être vrai si tout ne dépendait que de nous, mais dans une relation on est deux et on ne maîtrise absolument pas l’autre. Ce serait peut-être vrai aussi si nous étions tous capable de tirer des leçons mais il y a une différence entre croire qu’on a compris les raisons d’un échec et les avoir réellement comprises. Enfin par définition, prendre du recul veut dire prendre son temps et ce temps là, c'est seul qu'il faut le passer.
- Parce qu’on est en terrain connu, terrain qui fut fertile autrefois, notre tendance naturelle à nous référer au passé pour anticiper l’avenir fait le reste. Le “hic” c’est que notre mémoire étant toujours aussi sélective, nous occultons notre échec. Si vraiment on était objectif, on admettrait que ce terrain est surtout connu pour mener à une impasse.
- Parce qu’à moins d’un fort ressentiment, les sentiments ne disparaissent jamais complètement et rarement du jour au lendemain. Malgré la rupture subsistent toujours les souvenirs, la nostalgie des moments de bonheur passés. On a tendance à s’accrocher à ses souvenirs, la mémoire est sélective, plutôt que de faire fonctionner sa raison et sa logique on a l’illusion qu’il ne faudrait pas grand chose pour raviver la flamme. De toutes les raisons de renouer avec quelqu’un c’est peut-être la seule valable, cependant, à l’instar d’une flamme qui se nourrit d’oxygène, les sentiments se nourrissent du passé et il est assez peu réaliste de croire qu’un amour peu renaître de ses cendres. Le Phœnix est un mythe, pas une réalité.
II - EN QUOI CETTE SOLUTION EST-ELLE BANCALE ?
A - Le poids du passé
Une des raisons qui nous poussent à nous engager avec optimisme dans une relation naissante (à nous investir en général) est l’attrait de la nouveauté dans la mesure où l’issue de cette nouvelle relation porte l’espoir d'un avenir radieux. On s’engage rarement dans une entreprise dont on est persuadé dès le départ qu’elle est vouée à l’échec. D’autre part, pour qu’une relation aboutisse à quelque chose il faut se donner à fond.
C’est justement parce qu’il n’y a plus de nouveauté, parce qu’on a déjà fait l’expérience d’une issue défavorable, qu’on aura d’autant plus de difficulté à se donner à corps perdu dans une histoire réchauffée dont le passé ne nous permet légitimement plus de rêver à un avenir sans fausses notes.
Ce manque de confiance dans l’avenir n’augure rien de bon.
Même si on décide de se remettre avec l’autre, de repartir sur d’autres bases, comment faire table rase du passé ? Le passé a forcément un impact sur le présent. Comment faire abstraction des raisons qui ont menées à la rupture ? C’est tout bonnement impossible.
C’est la méfiance qui aura remplacé la confiance. Les choses qu’on ne supportait plus chez l’autre ont intérêt à avoir réellement disparues car ce qui vous a irrité jusqu’au point de rupture ne laissera plus place à la moindre indulgence, au moindre faux-pas. Ce qui hier était facilement pardonné ne le sera plus aujourd’hui.
B - La fragilité de la nouvelle structure
Lorsqu’une relation est nouvelle, à priori, on essaye de la fonder sur des bases saines. Elles le sont d’autant que le terrain est vierge et que son partenaire bénéficie dès lors d’un certain crédit, surtout si on est amoureux. Tout est beau. De plus, l’amour vous donne des ailes et vous renforce. Il augmente notre capacité de tolérance.
En revanche, lorsqu’on a été atteint par un premier échec on est plus fragile, moins résistant, moins indulgent, moins tolérant vis à vis de l’autre qui est souvent à nos yeux, sinon le responsable de l’échec, le co-responsable.
La combinaison de ces deux choses : fragilité des protagonistes et re-fondation sur un terrain instable rend la probabilité de solidité la nouvelle construction très faible.
Une structure bâtie sur des morceaux recollés et érodés est physiquement plus fragile qu’une structure constituée de morceaux pleins et entiers. Cette fragilité rend une seconde rupture bien plus probable et plus rapide que la première.
C - Les mauvaises raisons
On se lance dans une nouvelle relation amoureuse parce que tout semble possible, surtout le meilleur, parce qu’on a envie d’y croire, parce que des sentiments naissent et grandissent aux cotés de l’autre. Le moteur de la relation est l’affectif.
A l’inverse, une relation fondée sur la base de l’ancien n’est plus du tout motivée par les raisons à l’origine de la première idylle.
Dans une relation recyclée, on pense que le moteur de la relation est aussi l’affectif mais lorsqu’on analyse objectivement les motivations (énoncées au chapitre I), on constate clairement qu’elles sont toutes autres et que l’amour n’est que pour très peu dans le mobile de ce recyclage amoureux. C’est la peur de l’inconnu, de la solitude, du deuil, de la souffrance, de la perte de ses repères, c’est la nostalgie, bref, une foultitudes de mauvaises raisons qui nous motivent.
Et c’est aussi tout le problème. Être avec quelqu’un pour les mauvaises raisons aboutit rarement à quelque chose de durable.
D - Personne ne change vraiment
Enfin parce qu’ultimement, si cela a "capoté" une première fois c’est forcément pour des raisons (bonnes ou mauvaises), et l’une des principales est souvent l’incompatibilité. Changer les choses reviendrait à rendre compatible ce qui s’est avéré incompatible. C'est une tâche qui dépasse la simple envie ou la motivation. Il faut revoir sa copie de A à Z, repenser la relation dans sa façon de la vivre au quotidien, de la gérer, dans sa façon d’être, de réagir et d'interagir.
Renouer sur des bases saines supposerait que les gens soient capables de prendre du recul sur eux-mêmes, de faire un travail sur eux après une profonde remise en question leur permettant de changer mais les humains sont rarement capables de faire ce travail et, en tout état de cause, les changements, même s’il y en a, ne s’opèrent jamais rapidement.
Quand bien même quelque chose changerait, tout ne change pas d’un coup de baguette magique. Changer soi-même demande un tel investissement et de tels efforts que la plupart du temps, en profondeur, l’incompatibilité demeure même si les efforts pour renouer permettent peut-être de la masquer un instant.
Pour compliquer les choses, comme dans une relation on est deux, il faut que les changements s’opèrent des deux cotés, de façon synchrone, avec la même amplitude et la même vélocité. C’est peu probable.
En général, lorsqu’une relation a échouée, ses chances de ne pas échouer une seconde fois pour les mêmes raisons que la première sont très très minces.
III - CONSEQUENCES
Si un second échec, dans la droite ligne du précédent, n’avait d’impact que sur notre relation pour la deuxième fois avortée, cela n’aurait finalement que peu d’importance. Ce serait juste une perte de temps. Croire que cet échec n’aurait qu’un impact temporel est bien sous-estimer la part de l’impact psychologique.
Les conséquences ici sont autrement plus graves.
Encaisser un échec n’est jamais facile, il laisse traces et cicatrices. Une première rupture ne fait pas exception. Souffrance, perte de confiance, doutes sur soi et sur les autres quand à la capacité de construire dans la durée, d’aimer ou d’être aimé, fragilité affective, etc...
Un deuxième échec dans la foulée, avec la même personne, qui plus est, sur ce terrain fragilisé par le premier, avec des blessures parfois encore toutes fraîches, va créer des cicatrices encore plus profondes. Quand on sait le mal qu’on a à se remettre d’une rupture, que penser de deux ruptures successives ?
On en sort encore plus désemparé et désabusé qu’au départ. "Et alors ?" me direz-vous.
Et bien la vie amoureuse ne s’arrêtant pas là, et sachant qu’il va bien falloir avancer, l’impact psychologique de ce second échec ne pourra que retentir sur les rencontres à venir. Pour qu’une autre relation naisse il faudra forcément, sortir, rencontrer, séduire, se lancer, y croire, etc... C’est loin d’être évident quand on porte le poids d’un double échec.
IV - BILAN : LE JEU N'EN VAUT PAS LA CHANDELLE
Il y a quelques mois j'ai rayé la dalle de mon téléviseur. Un vieil écran plasma que j'avais acheté il y a des années, qui aujourd'hui fonctionne toujours très bien mais avec cette rayure peu esthétique. J'ai fait venir Darty et le devis fut cruel. Le remplacement de cette dalle m'aurait coûté la moitié du prix neuf de l'appareil. Ayant acheté ce Plasma il y a 8 ans, dans l'intervalle, des écrans bien moins chers, moins lourds et moins encombrants ont fait leur apparition et finalement il était plus économique d'acheter un appareil neuf équivalent d'aujourd'hui tout en bénéficiant d'une garantie, que de réparer l'appareil d'hier sans garantie. C'est donc ce que j'ai fait.
Cette petite histoire pour dire qu'il y a des situations où, avec moins d'effort et de peine, on obtient un résultat identique voir supérieur en optant pour du neuf plutôt qu'en réparant de l'ancien.
Envisager sérieusement de raccommoder une relation en lambeau est illusoire. Et si le mirage dure un temps, les chances que le rapiéçage tienne bon dans la durée sont fort minces.
Vulgairement parlant, se remettre avec un ex n’est rien d’autre que “reculer pour mieux sauter”
La première attitude à adopter après un échec, avant même de comprendre quelles en sont les causes, est de ne pas le réitérer. Et dans le cas d'une rupture l’erreur est avant tout la relation elle-même. La dernière chose à faire est donc de replonger dedans tête baissée. C’est du bon sens.
La seconde attitude consiste à tirer les leçons de cet échec afin de ne pas refaire avec une nouvelle personne les erreurs qui ont conduit à l’échec de la relation précédente.
Bâtir une relation neuve ne demande pas le même investissement, les mêmes efforts et la même énergie que re-bâtir à partir d'une relation passée. Il est beaucoup plus difficile de reconstruire sur un sol instable que sur un terrain vierge, beaucoup plus pénible de se changer soi-même que de trouver quelqu'un qui vous aime tel que vous êtes, beaucoup plus douloureux de subir deux échecs d'affilés que de faire son deuil. Mieux vaut consacrer cette énergie (et ce qu’il reste de notre moral en berne) à construire quelque chose de neuf avec quelqu’un d’autre, une relation où existeront tous les possibles que dépenser une énergie cent fois plus importante à essayer de se changer, de changer l'autre, de modifier du tout au tout sa façon de gérer une relation qui a prouvé déjà une fois son inefficacité.
Bien sûr, il ne sera pas facile de retrouver quelqu’un car, dans la vie, rien ne l’est vraiment. En revanche, si ça accroche, et dans la mesure où la finalité est une relation “sérieuse”, cela sera bien plus viable que de se remettre avec un ex pour les mauvaises raisons.
Ici encore certains rétorqueront qu’ils connaissent tel ou tel couple qui se sont remis ensemble après une rupture et que finalement ça a marché. Bien sûr, tout existe et se remettre à table ne garantit pas l'échec, tout comme rouler à 250 km/h en moto sans casque ne garantit pas l'accident mortel, mais les probabilités d'un nouvel accident sont grandes, pourquoi prendre le risque lorsqu'il existe l'alternative bien plus simple de retrouver quelqu'un d'autre. Ce jeu en vaut-il la chandelle ?
Post Scriptum du 23 août 2014 : L'ami dont la rupture qui m'a inspiré l'écriture de ce billet il y a deux ans aujourd'hui, ne suivant pas mes conseils et continuant d'attendre un hypothétique retour de son ex, incapable de faire de nouvelles rencontres car trop obsédé par cette ex, j'ai pris sur moi d'organiser un diner et de lui présenter une très jolie jeune femme célibataire, je l'ai un peu coaché pour pas qu'il fasse trop de bêtises (entre entres ne pas parler à tout bout de champ de son ex qui l'obsédait) et aujourd'hui les tourtereaux sont pacsés, fêteront bientôt leurs deux ans de relation et sont très heureux... Quand à son ex, elle semble continuer à cumuler les échecs...
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COMMENTAIRES
1. Le jeudi 6 septembre 2012 à 00:10, par yuly
2. Le dimanche 9 septembre 2012 à 11:53, par Ch
3. Le jeudi 24 janvier 2013 à 20:45, par Socrate
4. Le mercredi 20 mars 2013 à 12:37, par Orgasme
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