I - DÉFINIR L’AMOUR


Je ne fais que parler d’amour dans ce blog mais je m’aperçois en y réfléchissant que si j’ai évoqué les mécanismes de l’amour opposés à ceux de la passion dans le billet “L'amour existe-t-il d'emblée ou se construit-il ?”, je n’ai jamais encore défini le terme. Il semble évident qu’avant de se poser la question "a-t-on le droit ou est-on est capable d’aimer plus d’une personne en même temps ?" (car la forme de la question revêt les 2 acceptions) il faut déjà être d’accord sur ce qu’est l’amour et ce que cela implique.


A - Qu’est-ce que l’amour ?

Au sens le plus commun, l’amour est un sentiment intense ou une affection très profonde envers quelqu’un ou quelque chose. Ce sentiment se matérialise par un attachement profond amenant celui qui le ressent à rechercher une proximité avec l’être ou la chose aimée, dont la proximité procure plaisir, bien-être, réconfort et dont l’absence ou la perte est pénible et douloureuse.

On comprend généralement le terme d’amour dans le sens conjugal - la femme et l’homme qui tombent amoureux et s’unissent - mais l’amour ne se cantonne pas aux “amants”.

Il peut être aussi ou seulement :
- intellectuel : L’amour de l’art;
- matériel : l’amour d’un bien, un fétiche ou ce qui se rapporte au matériel (amour de l’argent);
- spirituel ou religieux: L’amour de Dieu;
- physique : sexuel (dans le sens de faire l’amour);
- tendre : des meilleurs amis;
- filial : souvent inconditionnel pour ses enfants;
- fantasmatique : l’amour imaginaire pour quelqu’un qu’on a jamais réellement rencontré (par exemple, le fan d’un artiste, qui aimera profondément son idole alors qu’en réalité il ne la connaît qu’à travers ses prestations publiques).

Selon le type d’objet vers lequel l’amour se tourne, il se manifeste de façons diverses. On n’exprime pas de la même manière l’amour que l’on porte à son automobile (pour ceux qui chouchoutent leur auto), au sport, à son animal de compagnie, à sa famille, à ses amis, à son activité favorite, ou à son culte.

Néanmoins, on retrouve toujours quelques constantes quel que soit l’objet d’affection : Le besoin et l’envie de le côtoyer, de ne pas s’en séparer, un certain sentiment de manque lorsqu’on en est éloigné, et une souffrance lorsqu’il disparaît.

Même si les intensités sont différentes, c’est tout autant un déchirement pour le sportif qui à la suite d’une blessure doit renoncer au sport, que pour celui qui aime sa voiture de devoir la vendre suite à un revers de fortune. C’est tout autant une souffrance (même si ça n’est pas la même) pour un amant de se faire éconduire par celle qu’il aime, que pour le maître d’un animal avec qui il a partagé son quotidien pendant des années, de voir la mort les séparer. C’est aussi peine commune de perdre ou d’être trahi par un ami, que de se fâcher à mort avec un proche de sa famille.

Ajoutons encore que toute forme d’amour est vecteur d’émotions. C’est encore un des points qui le caractérise.

En résumé, amour = attachement + affection + émotion + besoin


B - Plusieurs objets différents d’amour peuvent-ils coexister ?

La réponse est évidente : OUI bien sûr.
On aime non seulement notre compagne ou compagnon mais aussi et dans le même temps nos parents, notre chien, notre meilleur ami, notre activité favorite et que sais-je encore.

Les intensités sont différentes, on ne manifeste pas non plus ces “amours” de la même façon, mais une chose est claire, ils coexistent bel et bien. Il semble que l’on n’ait pas un “capital d’amour limité” et de ce fait, aimer un objet n’empêche en rien d’en aimer plusieurs autres en même temps.

On peut aussi aimer deux objets équivalents autant et de la même façon. Il est rare qu’une mère aime plus son premier enfant que le second ou le troisième, et si c’est le cas parfois, ça n’est pas représentatif. Les enfants se posent souvent la question, et la réponse est toujours “je vous aime autant les uns que les autres, vous êtes tous les trois mes enfants”.

Conclusion : au quotidien, notre vie est remplie d’objets d’affection divers et variés, qui coexistent très bien et qui participent conjointement à notre équilibre et notre bonheur. La question de choix ne se pose pas, pas plus que la question de la capacité à aimer ces multiples objets comme si nous avions une réserve d’amour limitée (ce que j’appelais le “capital d’amour”)


C - Alors quel est le problème ?

Si c’est l’évidence qu’une mère puisse aimer ses 3 enfants en même temps et autant, s’il en est une aussi qu’on puisse éprouver de l’affection pour son animal de compagnie mais aussi pour ses amis, s’il ne pose aucun problème à personne de partager plusieurs passions pour des activités (voyages, lecture, sport, art), en revanche, lorsqu’on parle d’amour conjugal les choses se corsent et les esprits se referment.

Dès lors, qu’on aborde l’amour conjugal la question se pose là où d’habitude, sur les autres formes d’amour, elle ne se pose pas. Comme si l’amour conjugal était un amour si particulier qu’il annihilerait la notion de “multiplicité” et qu’il imposerait celle de “capital” et d'exclusivité.



II - AMOUR CONJUGAL : A-T-ON LE DROIT D’AIMER PLUS D’UNE PERSONNE ?


A - Au plan légal :

Officiellement et juridiquement la réponse est NON ! Cela s’appelle de la polygamie et les textes de lois sont forts clairs sur ce point. Dans notre société nous sommes sensibilisés à cet interdit dès le plus jeune âge.

L'interdiction de la polygamie en France est prévue à l'article 147 du code civil qui prévoit "On ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier". L'étendue de la portée de cette interdiction est absolue lorsque l'un des deux membres du couple est français. Il n'y a pas d'approche unilatérale de la polygamie comme par exemple entre un français et un étranger dont le pays autorise la polygamie. La seule polygamie tolérée est celle dont la nationalité de chacun des époux autorise la polygamie. C'est l'approche bilatérale (voir en ce sens Cour de Cassation 1ère ch.Civ 24 septembre 2002, n° de pourvoi 00-15789).
Le Conseil constitutionnel ajoute qu'une vie familiale normale telle qu'elle prévaut en France, exclut la polygamie (décision du 13 août 1993, n° 93-235 DC).

Donc sur le plan légal, il n’est pas concevable d’aimer officiellement (régime matrimonial) plus d’une personne à la fois.

B - Au plan religieux :

Dans les sociétés judéo-chrétiennes, c’est pratiquement le même constat même si, dans certaines branches du christianisme, il existe des schismes à ce sujet (par exemple, chez les Mormons où la polygamie est acceptée. Cela dit c’est une exception qui confirme la règle). Rappelons que 2 des 10 commandements mettent l’accent sur la monogamie.

Dans la version juive, le 7ème et le 10ème :
- Tu ne commettras pas d’adultère;
- Tu ne convoiteras ni la femme, ni la maison, ni rien de ce qui appartient à ton voisin

Dans la version catholique actuelle, le 6ème et le 9ème :
- Tu ne commettras pas d’adultère;
- Tu ne désireras pas la femme de ton prochain

Rappelons aussi jusqu’à il y a peu de temps, l’indissolubilité du mariage chez les catholiques.

Alors, en tout état de cause et même s’il n’est pas explicitement écrit qu’un homme ne peut s’unir qu’à une seule femme et vice vers ça, tout dans l’exercice du culte de ces religions converge vers la même réponse : On n’a pas le droit d’aimer plus d’une personne à la fois.

Les faits étant établis, reste à regarder s’il n’existe pas des différences entre le droit et l’envie, entre l’obligation “morale” et la réalité affective. C’est là que se pose la deuxième acception à la question, en fait, la seule vraiment intéressante.



III - SOMMES-NOUS CAPABLES D’AIMER PLUSIEURS PERSONNES A LA FOIS (au sens amoureux) ?


Je pourrai écrire des pages pour justifier la réponse que je vais donner, mais elle semble tellement évidente que j’éviterai les redondances et les lieux-communs.

OUI nous sommes capables de ressentir de l’amour pour plusieurs personnes à la fois mais lorsque cela arrive, la plupart des gens vivent cet amour clandestinement. La meilleure preuve est le grand nombre de personnes, femmes ou hommes, étant en couple mais ayant un amant ou une maîtresse, le/la même, depuis des années, parfois des décennies. Il est difficile d’imaginer que des relations “annexes” durent si longtemps si elles n’étaient basées que sur le sexe.

On pense souvent que si une personne rechigne à “choisir” entre deux amants c’est par lâcheté d’affronter la réalité d’une séparation (jamais agréable) avec l'une des deux, mais l’autre raison pourrait être simplement l’impossibilité de choisir entre deux personnes qu’on aime autant même si différemment.

Alors, le plus souvent, pour ne pas se retrouver dans cette inconfortable situation aboutissant à un choix cornélien, on évite tout bonnement de se risquer à tomber amoureux alors qu’on est déjà avec quelqu’un. Mais ça n’est pas parce qu’on prend les précautions pour que cela n’arrive pas que cela veut dire que cela n’est pas possible pour autant.

Le véritable conflit est : capacité à aimer versus capacité à vivre cet amour

La capacité à aimer plus d’une personne n’est pas à remettre en question, nous l’avons vu. À mon avis, ce qui nous fait reculer devant cette potentialité n’est pas l’incapacité mais d’une part, le tabou que cela oblige à transgresser avec toutes les conséquences morales, culturelles, familiales, religieuses que cela implique d'affronter et d’autre part, cette idée déjà évoquée de “capital affectif”.

1) Le poids du tabou, la puissance du modèle standard

Le tabou est tellement ancré qu’il verrouille nos esprits sur plusieurs points fondamentaux que tout oppose à l’idée de polyamour.

UNICITÉ DE PARTENAIRE : En nous mettant en tête depuis la naissance qu’une relation amoureuse ne peut exister qu’envers un partenaire unique (à la fois), à l'exclusion de tout autre partenaire sexuel (à fortiori amoureux) pendant la relation (monogamie), lorsque nous nous retrouvons face à la réalité de deux amours parallèles, nous sommes contraints, au mieux d’en cacher un et au pire, d’en sacrifier un (parfois les deux) sous peine de se voir moralement condamné par notre société (à commencer par le partenaire avec qui nous sommes au départ). Un partenaire qui, le plus souvent, ne concevra pas la possibilité de n’être plus l’unique objet d’amour. Cela nous amène à une deuxième idée inhérente au modèle standard, la notion de possession.

POSSESSION : Les relations conventionnelles sont souvent décrites en termes de contrôle et d'appartenance : “C’est mon mari, c’est ma femme”. Ceci implique que les gens ont le droit d'imposer des restrictions à la liberté de leur partenaire, et de ce fait, toute autre relation annexe est une menace, puisqu'elle remet ce contrôle en question (je m'épanche plus avant sur cette question dans le prochain billet "La jalousie : preuve d’amour ou au contraire de pur égoïsme ?")

CONVENTION : Le modèle standard de relation amoureuse reste l’amour unique, monogame, et celui-ci est très normé, calibré. Devant l’absence de modèle polyamoureux standard, ce dernier ne résiste pas. Cela ne veut pas dire pour autant que les modèles polyamoureux ne soient pas viables car il en existe. Cela ne veut pas dire non plus que les conventions et les tabous que nous connaissons légitiment la pratique exclusive d’un modèle et rendent tous les autres caduques.

Pour illustrer ce propos je ferais un parallèle avec un autre type de relation qui a été taboue jusqu’à il y a peu de temps (et qui l’est d’ailleurs encore pas mal même s’il tend à s’estomper dans nos sociétés) : L’homosexualité. Je ne parle pas ici de la sexualité des gays mais des relations amoureuses.

Jusqu’à ces dernières décennies, lorsque deux femmes ou deux hommes étaient amoureux, ils ne pouvaient afficher leur amour et vivre leur relation au grand jour, non parce qu’ils n’en étaient pas capables, mais parce que le monde extérieur considérait cela comme impossible/honteux/immoral et que ce tabou ne pouvait être transgressé sans voir s’abattre sur soi les foudres de la société, la famille, le boulot, etc... Notre société a évolué et un gay peut faire son “coming-out” sans se voir traité comme un pestiféré, un couple homosexuel peut vivre sa relation sans être mis au banc de la société, il peut même se marier et adopter des enfants (dans une quarantaine de pays dont le Canada depuis juillet 2005, la France depuis mai 2013, les USA depuis juin 2015). Aujourd’hui, je pense donc que la majorité d’entre nous ne remet plus en cause l’idée qu’on puisse aimer sincèrement quelqu’un du même sexe que soi et vivre cet amour aussi sainement que dans une relation hétérosexuelle.

En revanche ça n’est pas encore le cas pour les relations polyamoureuses sur lesquelles un tabou plane toujours. Même si on commence à en parler ça et là, l’idée de relations polyamoureuses n’est pas encore entrée dans les moeurs simplement parce que le schéma du couple qu’on nous propose (impose) depuis toujours l’exclue catégoriquement et non pas parce que nous ne pouvons pas sincèrement aimer plusieurs personnes à la fois.

Alors, tout comme l’homosexualité autrefois, ce qui pourrait ressembler à des relations polyamoureuses se développe et vit le plus souvent dans la clandestinité. De ce fait, cette relation reste inavouable et ne peut se vivre sainement.

C’est pour cela que j’ai écrit “ce qui pourrait ressembler à des relations polyamoureuses” car il est difficile de parler de véritable amour lorsque par défaut, à cause d’un tabou, - et de ses conséquences en cas de transgression - des sentiments réels fondant une double relation amoureuse ont été forcé de se développer clandestinement sur un tapis mensonge, de tromperie et de cachotterie.

2) L’idée de “capital affectif” reste tenace

En effet, à partir du moment où l’on considère l’amour (plus où moins consciemment) comme un bien matériel comme de la nourriture par exemple, l’idée que, si on en donne plus à l’un il en restera moins pour l'autre, découle naturellement (c’est l’argument de l’économie de famine). Dans cette optique, on a du mal à concevoir que l’amour puisse être “partagé”. Nous avons déjà évoqué cette question dans le chapitre précèdent et je le redis, je pense que cette idée est complètement fausse.

On pourra me rétorquer, qu’il n’y a pas d’amour, mais uniquement des preuves d’amour (je suis assez d’accord avec ça d’ailleurs) et que, par conséquent, même si les sentiments peuvent être infinis dans le sens "sans limite" et non exclusifs, une relation amoureuse demande des ressources pour s’accomplir matériellement, ressources qui elles, ne sont pas infinies, à savoir du temps et de l’énergie. De ce fait, me dira-t-on encore, même si on peut éprouver des sentiments pour deux personnes, vivre concrètement la relation en trio au quotidien, avec ce que cela suppose d’investissement en temps et en énergie, peut s’avérer difficile. Les ressources consacrées à l’un se retrouvant finalement amputées à l’autre.

Nous pouvons répondre à cela que certes, si l’on cherche à calquer les modèles traditionnels de vie en couple sur des relations polyamoureuses, cela risque de ne pas pouvoir fonctionner parce qu’avoir deux vies, avec deux familles, deux toits, n’a rien d’évident. Sauf qu’à relation différente, modèle différent, et là, rien n’est impossible.

En effet, pourquoi un trio d’amoureux partageant le même toit n’arriverait-il pas à faire la même chose qu’une mère aimant plusieurs enfants ? Puisqu'une maman peut aimer sous le même toit 3 enfants, trouver le temps de s’occuper aussi bien des uns que des autres et de prodiguer un amour identique à tous, pourquoi cela serait-il impossible pour 3 adultes ? Ça n’est pas plus compliqué.

Pour cela, bien sûr faut-il encore revoir complètement le modèle et appuyer ce type de relation sur un nouveau schéma. Dès lors, qu’est-ce qui prouve que cela ne fonctionnerait pas aussi bien que des parents aimant plusieurs enfants.

En tout état de cause, cet argument de l’économie de famine fait encore peser sur la potentialité d’un tel type de relation une lourde chape.

Je n’aborderai pas ici la question de la viabilité du modèle traditionnel de relation amoureuse (je le ferai dans un prochain billet : "Couples, faillite du modèle traditionnel, quelles alternatives ?") mais il serait quand même bon de rappeler, que ce modèle, bien qu’adopté par la majorité, ne fait absolument plus ses preuves (si tant est qu’un jour il l’ait fait). Pour info (Insee) en France (et dom-tom) entre 2004 et 2006 inclus, 1 118 807 mariages prononcés et 556 967 divorces. Taux de divorce moyen sur la période -> 50%, dépassant 51% en 2006. Contrairement aux idées reçues qui suppose 1 divorce pour 3 mariages en province et 1 sur 2 dans les grandes villes (en 2007 le taux de divorce en agglomération dépassait 63%)!!! Et notons aussi qu’une fois divorcé moins d’un homme sur trois et moins d’une femme sur cinq se remarie dans les 5 ans (source Ined).

Dernière info avec les chiffres (Insee et Ined) les plus récents qu’on puisse trouver à l’heure ou j’écris ces lignes, entre 1999 et 2004, on dénombre en France en moyenne 12 292 000 couples mariés pour 18 210 000 couples non mariés soit 2 couples sur 3 vivent en dehors des liens “sacrés” du mariage.

Comme quoi, je ne suis pas certain que le modèle traditionnel soit la panacée et pas non plus le seul à le penser.



IV - CONCLUSION


On est capable d’aimer sincèrement plusieurs personnes à la fois, connaître des passions multiples et connexes, nous en possédons tous les ressources affectives mais, dans nos sociétés, pas encore de légitimité à les vivre.

Car si, comme nous l’avons vu, l’amour se vit quotidiennement au pluriel tant qu’il ne s’agit pas d’amour conjugal et que les modèles traditionnels de couple connaissent un indéniable début de faillite, la morale, les tabous, les interdits qui sous-tendent ces relations amoureuses homme/femme sont toujours tenaces et freinent le développement de nouveaux modèles qui permettraient sans doute à certains un épanouissement qui leur est aujourd’hui impossible de connaître car interdit.

Mais on se doit de rester ouvert et de ne pas penser d’emblée que de nouveaux modèles ne pourraient pas fonctionner mieux (ou pas moins bien) que les modèles qu’on nous impose sous prétexte que ces derniers ont l’avantage de l’antériorité et de la tradition.


PS : Cinéphile, je vous invite à découvrir ces quelques films qui effleurent ou abordent le sujet et que j'ai aimé.
- Sérénade à trois (Ernst Lubitsch, 1933)
- Jules et Jim (François Truffaut, 1962)
- Vicky, Cristina, Barcelona (Woody Allen, 2008)
- A trois on y va (Jérôme Bonnell, 2015)